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The Gap Band : Trois frères so kitsch, so funky

Dernière mise à jour : 27 juin 2022


Évoquer Uptown Funk de Mark Ronson & Bruno Mars, le titre aux 4 milliards de vues sur Youtube, est probablement le meilleur moyen d'aborder l’héritage musical de The Gap Band.

Inspiré du hit Oops Upside Your Head , Uptown Funk a, comme le groupe formé par les frères Wilson à la fin des années 1970, ouvert une brèche dans le funk contemporain.

C’est le début d’une ère où l’utilisation des synthétiseurs s’intensifie et où le funk s’adoucit, non pas dans son rythme mais dans ses thématiques.

James Brown, Sly & The Family Stone et Funkadelic/Parliament ont ouvert la voie avec des textes revendicatifs et psychédéliques, The Gap Band sera le premier groupe d’une longue série à connaitre le succès dans une veine romantique.



© Michael Orchs Arviches / Getty Images



Propulsés au rang de stars après les succès consécutifs des albums The Gap Band II et The Gap Band III en 1980 et 1982, Ronnie, Charlie et Robert Wilson mirent pourtant près de 15 ans et durent attendre leur trentaine pour enfin acquérir cette notoriété qui se refusait à eux jusqu’à lors.


Originaires de Tulsa dans l’Oklahoma et évoluant chacun dans des groupes différents, les trois frères finissent pas se réunir en 1967 peu de temps après la fin de leurs études pour former The Greenwood, Archer and Pine Street Band, un nom en référence à leur quartier mais surtout un hommage au lieu ou se déroula le massacre de Tulsa en 1921, l’une des pires émeutes raciales à l’encontre de la communauté afro de l’histoire des États-Unis.

Pourtant, rapidement le groupe nouvellement formé rencontre des difficultés avec ce nom. D’abord, la longueur de celui-ci représente un obstacle en terme de promotion, mais surtout sa connotation n’emballe pas les maisons de disques estimant qu’un tel nom risque d’enfermer le groupe dans un carcan communautaire.

Ils conservent donc la première lettre de chaque rue et se renomment The Gap Band.


Pendant plusieurs années, l’Oklahoma et ses alentours est leur terrain de jeu.

Tentant de se faire un nom au niveau local, ils enchainent les petites scènes et travaillent leur style.

Charlie Wilson, chanteur et leader est largement influencé par Stevie Wonder, quand le reste du groupe, Robert à la basse et Ronnie aux cuivres et claviers, semble chercher son inspiration dans le funk déstructuré de Sly & The Family Stone.

Un bagage culturel qui arrive aux oreilles de Leon Russell. Le chanteur fait la connaissance des frères Wilson dans un bar proche de Tulsa. Séduit mais particulièrement bourré ce soir-là, il décide de revenir une semaine plus tard, sobre, lors d’un nouvelle prestation du groupe pour confirmer sa première impression.

L’icône pop/rock se prend d’affection pour eux et les invite à participer à une jam session en studio. Convaincu par leur potentiel, il les signe chez Shelter Record, sa propre maison de disques.

De cette signature naitra une collaboration avec Russell sur son album Stop All that Jazz, plusieurs premières parties puis un album en 1974, Magician’s Holiday.



Leon Russell © GAB Archive / Getty


Si ce premier album est aujourd’hui considéré comme une pépite funk englobant toutes les influences de l’époque, il passe pourtant, au moment de sa sortie relativement inaperçu à tel point qu’aucun titre ne fait la moindre percée dans les Charts.

À peine démarrée, l’aventure Shelter Record est déjà terminée pour The Gap Band.


Conscients que Tulsa et l’Oklahoma ne sont pas forcement les endroits les plus propices pour se faire connaitre dans l’univers du funk, les frères Wilson prennent la route pour Los Angeles. En peu de temps, et tandis qu’ils écument sans broncher les petites scènes autour de la cité des anges, ils obtiennent un contrat chez Tattoo Records, éphémère maison de disque californienne.

L’album The Gap Band sort en 1977 et encore une fois ne provoque aucun remous…Pas un des neuf titres qui compose ce second opus n’émerge et permet au groupe de sortir de l’ornière.

Pire, il perd même la fraicheur et l’originalité de leur album des débuts.


Déterminés à se faire un nom dans le paysage musical, les frères Wilson finissent par faire la rencontre qui va tout changer. En 1978, ils sont présentés à Lonnie Simmons, fondateur de The Total Experience, nightclub R&B de Los Angeles.

À cette époque, ce féroce entrepreneur californien vient d’acquérir un studio d’enregistrement et de conclure un accord de distribution avec le géant Mercury Records pour la diffusion des artistes qu’il produira sous son nouveau label, Total Expérience Records.

The Gap Band sera le premier d’entre eux.


En producteur appliqué, Lonnie Simmons va retravailler avec les frères Wilson l’identité musicale et visuelle du groupe pour provoquer une rupture avec leurs influences d’alors.

Terminé la soul psychédélique de Sly & The Family Stone et les scories vocales de Stevie Wonder.

Simmons veut basculer The Gap Band dans une nouvelle décennie et faire d’eux les fers de lance du funk des années 1980.

Pour cela, il va prendre en exemple un groupe de jeunes new-yorkais qui rencontre ses premiers succès à la fin des années 1970 avec une funk structurée et une identité visuelle originale qui rompt avec les standards 70’s, il s’agit de Cameo.



Oops Upside Your Head, The Gap Band, The Gap Band II, 1979


Ainsi, The Gap Band tel que le groupe est mondialement connu va naître à ce moment. En 1979, The Gap Band I et The Gap Band II sortent consécutivement. Quatre titres entrent dans le Top 10 R&B Billboard Singles Charts dont les hits Shake et Oops Upside your Head.

Le second titre est un hommage à la P-Funk, sous-genre inventé par Georges Clinton à travers ses 2 big bands psychédéliques, Parliament et Funkadelic.

Seulement, la P-Funk façon The Gap Band est bien plus structurée, harmonieuse et « lisible » afin de s’ouvrir à un public plus large.


Avec leur style vestimentaire unique composé d’une tenue de cowboy et d’un Stetson sur la tête, leur marque de fabrique pendant une large partie des années 1980, le groupe ne passe pas inaperçu. Trois frères noirs dans l’univers du funk, habillés en cowboys de la tête au pied, c’est une révolution en soit dans l’Amérique des années 1980.


Et c’est justement en cette première année de la décennie que le groupe sort The Gap Band III, l’album qui leur permet de confirmer les espoirs et les rendre incontournables. Composé avec la collaboration de Gloria Gaynor et des techniciens d’Earth, Wind & Fire, cet album s’empare de la tête des Charts R&B et fait émerger l’incroyablement groovy Burn Rubber on Me et la ballade Yearning for Your Love, fortement influencée par le funk doux et mélodieux d’Earth, Wind & Fire.


Burn Rubber On Me, The Gap Band, The Gap Band III, 1980


The Gap Band IV avec les hits Oustanding, Early in the Morning et You Dropped a Bomb on Me puis les autres albums durant la seconde moitié des années 1980, ne feront que confirmer la place énorme occupée par le groupe sur la scène funk.



Early In The Morning, The Gap Band, The Gap Band IV, 1982



Pourtant, au fil du temps les ventes d’albums se tarissent et les hits se font plus rares.

Si musicalement les trois hommes paraissent avoir toutes les peines du monde à se renouveler, c’est aussi lié au manque d’implication croissant de Charlie Wilson. Le leader du groupe vit sa vie intensément, peut-être même trop… En cette fin des années 1980, et tandis que le groupe entame une pause, il se trouve piégé dans les affres de la drogue et cultive une dépendance, qu’il tente de masquer, mais va l’amener jusqu’a vivre dans la rue.

Entre 1992 et 1995, seul, faible et très amaigri, il va errer comme dans un cauchemar incessant à travers les rues d’Hollywood.

Quand les amis et les fans le reconnaissent, extrêmement fatigué, il utilise toujours la même excuse et fait alors croire qu’il enchaine des nuits entières au studio d’enregistrement. Puis raconte-il : « je me cachais toute la journée à différents endroits et la nuit je dormais derrière un buisson.».

La star funk des années 1980 démarre cette nouvelle décennie complètement anéanti par les affres du show-business et de la « fast life » qui lui est associé.


Le chemin de la rédemption, Charlie Wilson l’emprunte grâce à son cousin, lui même ancien dépendant à l’alcool et aux drogues qui l’inscrit dans un centre de désintoxication.

Il y fait là-bas la rencontre d’une travailleuse sociale qui lui redonne goût à la vie et deviendra sa femme quelques années plus tard.


The Gap Band tentera bien un retour dans les années 1990, mais les trois albums sortis durant cette période confirme ce qui ne faisait alors de doute pour personne, les grandes heures du groupe sont bien derrière eux. Ce baroud d’honneur permet toutefois de remettre le pied à l’étrier de Charlie Wilson qui traverse par la suite les années 2000 avec aisance sur la scène R&B, affublé de son surnom, Oncle Charlie, donné par son ami Snoop Dogg, et qui en dit alors long sur son statut auprès des jeunes pousses.


Moins iconique qu’Earth, Wind & Fire ou Kool & The Gang, la faute probablement à l’absence d’un tube planétaire, The Gap Band n’en reste pas moins un monument du funk des années 1980.

Laissant derrière eux une flopée de hits, samplés sans cesse depuis, le groupe a largement contribué à l’évolution musicale et visuelle d’une funk psychédélique et engagée des années 1970 vers un son festif et enjoué, allant jusqu’à brouiller les lignes entre funk et disco quitte à jouer dangereusement avec les frontières du kitsch. The Gap Band était excessif, parfois exubérant mais diaboliquement funky !

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