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James Ingram / Quincy Jones : Destins liés

The Dude, l’album le plus connu du légendaire Quincy Jones est marqué par une présence vocale forte, une voix singulière et inconnue lors de sa parution en 1981, celle de James Ingram.

Outre le carton planétaire de The Dude, l’album révèle un chanteur au destin désormais lié à celui de son mentor, Quincy Jones. Nous sommes à l’aube des eighty’s et James Ingram s’apprête à faire une entrée fracassante sur la scène R&B.


Quincy Jones et James Ingram ©MediaPunch


Comment le natif d’Akron dans l’Ohio a-t-il bien pu se retrouver à chanter trois titres sur l’album de l’homme le plus influent de la musique noire américaine, sans n’avoir jamais sorti un titre auparavant ?

Cette histoire de trésor caché subitement révélé aux yeux du grand public peut finalement paraitre assez banale, mais montre avant toute chose que dans la vie de James Ingram, tout semble être une question de destin.


Lorsque Quincy Jones fait la connaissance de James Ingram, celui-ci se forge une solide réputation en tant que pianiste de sessions studio pour Ray Charles et de directeur artistique de Carl Carlton pour lequel il a produit son plus grand hit, She’s a Bad Mama Jama.

Egalement employé par ATV, filiale de Sony Music, il enregistre sa voix pour des démos.

C’est ainsi que Quincy Jones tombe sur sa démo de Just Once à l’origine destinée à Carl Carlton.

Il demande alors aux équipes de ATV :« à qui est cette voix? », ce à quoi on lui objecte « Oh, non, c’est simplement un chanteur de démos, c’est le pianiste de Ray Charles ».


Absolument pas perturbé par le manque d’expérience de cet interprète occasionnel, Jones contacte James Ingram et lui propose de le rejoindre en studio afin d’enregistrer ensemble Just Once.



Just Once, James Ingram, The Dude, 1981


La version de Just Once interprétée par James Ingram sort sur l’album The Dude en 1981.

L’artiste finira par poser sa voix sur deux autres titres de l’album, le titre éponyme The Dude ainsi que One Hundred Ways.


Sous le feu des projecteurs par l’intermédiaire de son nouveau mentor, sa participation à l’album lui vaut trois nominations aux Grammy Awards, dont celle de la révélation masculine de l’année.

Il remporte d’ailleurs la statuette pour le titre One Hundred Ways. Avec cette performance il marque alors l’histoire car il s’agit du premier artiste à remporter un Grammy Awards sans avoir sorti ne serait-ce qu’un seul album.

C’est d’ailleurs à l’occasion de la cérémonie qu’il se produit pour la première fois seul sur scène, afin d’interpréter le titre Just Once. « J’étais à un tel degrés de stress que j’en tremblais » avouera-t-il plus tard.

On ne peut que comprendre son niveau d’anxiété quand on sait qu’en 1982, la cérémonie des Grammy Awards est le programme de remise de prix le plus regardé au monde.


Se reposer sur ses lauriers, ce n’est pas le genre de Quincy Jones. Ce boulimique de travail s’attaque ainsi dans la foulée de son album couronné de succès à la production de Thriller, le second album du King of Pop, suite à une première collaboration plus que satisfaisante avec l’opus Off The Wall en 1978.

Pour la composition des paroles et des orchestrations, Quincy Jones s’entoure d’un pool de compositeurs auquel il y intègre son poulain, James Ingram.

« Il travaillait de la même manière que Berry Gordy (le fondateur de Motown), en s’entourant de plusieurs compositeurs qui bossaient séparément sur le même titre. Avec Quincy ,soit c’est un hit soit ça ne passe pas, il n’y a pas d’entre deux possibles. »


Marié à la mannequin Peggy Lipton, Jones remarque un jour sur l’une de ses lingeries l’inscription Pretty Young Thing. Accroché par cette phrase, il propose alors à ses compositeurs de travailler sur un titre autour de cette phrase, en précisant toutefois qu’il souhaite quelque chose de rapide et percutant.

Ingram part s’isoler et composer sur son clavier séquenceur puis il revient avec une démo et la fait écouter à Quincy Jones. Celui-ci réagit alors : « C’est ça ! Part travailler le morceau avec Michael (Jackson), nous enregistrons demain. » .

C’est ainsi que James Ingram se voit créditer sur un titre de l’album le plus vendu de tous les temps, avec forcement, les immenses royalties qui s’en suivent.

Conscient du potentiel commercial de son partenaire suite à son entrée remarquée sur la scène R&B récompensée par un Grammy Award, Quincy Jones s’attèle à la production du premier album de James Ingram, dans la foulée du raz de marrée provoqué par Thriller qui l’a installé définitivement comme le plus grand producteur musical de son époque.


Ce premier opus, It’s Your Night sorti en 1983 sous le label de Quincy Jones, Qwest Records, est intégralement produit par ce dernier.

Il permet à l’artiste de déployer sur un album entier son univers pop-funk et ses ballades de timide crooner romantique. La consécration après une longue série de featurings, dont le mémorable et langoureux Baby Come to Me aux cotés de Patti Austin, numéro 1 des charts en février 1983.



Baby Come To Me, Patti Austin & James Ingram, Every Home Should Have One, 1981


Sur l’album It’s Your Night, la chanteuse lui rend d’ailleurs la pareille puisqu’elle accompagne James Ingram sur le titre How do You Keep The Music Playing composé par Michel Legrand, ami de longue date de Quincy Jones.

C’est toutefois un autre morceau, le premier titre post-funk d’Ingram marqué par la présence imposante des nouveaux synthétiseurs de l’époque qui portera commercialement l’album à sa sortie.

Il s’agit du titre Ya Mo B There, coécrit et interprété avec Michael McDonald.

Intitulé initialement I Will Be There, Quincy Jones demande à son poulain de trouver un autre titre, celui-ci étant déjà utilisé pour bien trop de titres. James Ingram fini par proposer Ya Mo B There, le « Ya » faisant référence à « Yahvé », dieu en hébreu.

Quincy Jones est emballé par l’idée et Ingram y voit là une occasion d’évoquer sobrement sa foi.

Diffusé ad-nauseam en radio entre 1984 et 1985, le titre atteint la 19e place des charts et permet à James Ingram de remporter un nouveau Grammy Awards pour la Meilleure Chanson R&B pour un duo ou un groupe.



Yah Mo B There, James Ingram & Michael McDonald, It's Your Night, 1983


Lancé dans une carrière d’artiste solo sans pour autant atteindre un statut de star, certainement empêché par une personnalité réservée, il peine à être clairement identifié par le plus large public et ce malgré des succès commerciaux de plus en plus nombreux.

Il faut dire que Quincy Jones continue de l’accompagner avec assiduité dans sa vie d’artiste.

C’est ainsi qu’il produit en 1986, Never Felt So Good, le second album de James Ingram, un opus moins abouti et qui peine à rencontrer son public.

En parallèle, Jones l’intègre sur ses projets annexes. En plus de lui offrir un titre sur la bande-originale du film de Steven Spielberg, La Couleur Pourpre; il apparait aux côtés des trente artistes musicaux les plus en vue des Etats-Unis dans le cadre du colossal projet caritatif USA For Africa mené de front par Lionel Richie et Quincy Jones et qui mènera à l’enregistrement de la chanson We Are the World, vendue en single à plus de vingt millions d’exemplaires, un record pour l’époque.


« Quand les gens me demandent de parler de ma relation avec Quincy Jones, je leur dis que j’ai fait l’Université Ray Charles et que je suis allé étudier avec le professeur Quincy » dit Ingram en 1991, lors d’une interview.

Alter-ego musical, fidèle compagnon de route, le crooner soul restera proche de son mentor jusqu’à sa mort en 2019. Tous les albums de James Ingram furent en effet produits et distribués par Qwest, le label de Quincy Jones. Il n’est d’ailleurs pas rare, dans le courant des années 1990/2000, de les voir se rassembler sur scène, souvent le temps d’un titre et rappeler au monde que parfois la grande musique, celle qui reste dans les mémoires et dans les coeurs, peut tirer ses origines d’une amitié pure et saine.


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