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James Mtume : le génie funk à l'origine de Juicy de The Notorious B.I.G

Dernière mise à jour : 17 janv. 2022

Associé pour toujours au classique Juicy de The Notorious B.I.G, James Mtume est bien plus que celui qui a offert le plus inoubliable sample du plus grand tube rap des années 1990.

Toutefois en s’appropriant Juicy Fruit du groupe Mtume, pour les besoins de son morceau, Biggie Smalls a fait entré le natif de Philadelphie dans la postérité.



James Mtume © David Corio/Michael Ochs Archive, via Getty Images


À l’origine les racines musicales de la carrière de James Mtume, né James Foreman, sont pourtant à aller chercher du côté du jazz.

Issu d’une famille de musiciens, le jeune homme côtoie dès sont plus jeune âge des figures telles que John Coltrane, Dizzy Gillespie et Duke Ellington par l’entremise de son beau-père, le pianiste James « Hen Gates » Foreman.

Cet environnement propice l’amène donc rapidement à devenir un pianiste et percussionniste confirmé et ne tarde pas à intégrer l’orchestre jazz de son oncle Albert « Tootie » Heath.

Sur l’album d’afro-jazz Kawaida en 1969, première collaboration pour ses débuts en studio, il est crédité sous le nom de James Mtume.


En effet, au milieu des années 1960, après avoir quitté Philadelphie pour faire ses études en Californie, il rejoint le groupe d’activistes nationalistes noirs US Organization et décide d’abandonner son nom de naissance pour Mtume (messager en Swahili, langue vernaculaire d’Afrique de l’Est). Une première implication politique pour un artiste qui de son propre aveux ne fera jamais de distinctions entre art et politique.


Le retour sur la côte est se fera par la grande porte pour le jeune artiste. Lorsque Miles Davis entame un virage jazz-funk avec son album On The Corner en 1971, il intègre James Mtume à son orchestre.

Aux côtés de Miles Davis, il va découvrir au fil des années toutes les possibilités offertes par les instruments électroniques qui font alors leur apparition.

« C’est comme le feu » dira-t-il bien plus tard en interview « soit tu te brules, soit tu apprends à cuisiner avec », « Il n’est pas possible de combattre la technologie, il faut s’en emparer ».

C’est un nouveau monde qui s’ouvre à lui, intimement lié aux débuts tonitruants du funk, portés commercialement par James Brown et Sly & The Family Stone.



James Mtume et Miles Davis à Londres en 1973 © R.Brigden / Getty Images


De funk, il va en être bientôt question quand il va s’agir de prendre son envol, mais en attendant, conjointement à son engagement avec Miles Davis, James Mtume enregistre un premier album de free-jazz. L’opus sort sous le nom de Mtume Umoja Ensemble, mais c’est bien lui le leader de l’orchestre qui enregistre Alkebu-Lan : Land of the Blacks, un album aux accents révolutionnaires introduit par un monologue d’afro-spiritual à forte consonance politique.


Creusant son sillon dans une veine underground prisée par un public d’initiés, la carrière de l’artiste va pourtant prendre un tournant inattendu suite à la fin de sa collaboration avec Miles Davis en 1975.

En effet, avec son ami guitariste Reggie Lucas, autre membre de l’orchestre de Davis, ils rejoignent le tour band de Roberta Flack.

Au milieu des années 1970, Roberta Flack jouit déjà d’une grande notoriété du public et du respect de ses pairs, dans le milieu de la soul et au-delà.


En plus de leur présence sur scène, le duo Mtume/Lucas compose occasionnellement pour elle. Ils sont notamment à l’origine de l’écriture et de la composition du titre The Closer I Get to You, marquant les retrouvailles de Roberta Flack et Donny Hathaway, 5 ans après leur album mythique.

Paru sur l’album Blue Lights in The Basement et succès public couronné par une nomination aux Grammy Awards, le titre a pourtant failli ne jamais passer les portes du studio.


The Closer I Get to You, Roberta Flack & Donny Hathaway, 1977, composé par Mtume/Lucas

James Mtume s’en souvient avec émotion : « Roberta m’a invité à la session d’écoute pour l’album Blue Lights in The Basement qui se déroulait au studio. Elle invite également Ahmet Ertegun, président d’Atlantic Records. Je suis assis sur le canapé, c’est ma première composition pop et je suis très nerveux. Ertegun écoute l’album en entier et dit à Roberta : « J’aime tout dans cet album à l’exception de The Closer I Get to You, c’est ennuyant et répétitif. ». Je ne savais plus où me mettre. Roberta s’est battue pour conserver le morceau sur l’album et il a fini par plier : « D’accord, nous le gardons mais ce ne sera jamais un hit. » »

Une fois n’est pas coutume, le visionnaire président d’Atlantic Records a manqué de flair et le succès du morceau ouvre en grand les portes de la pop/soul commerciale pour le duo Mtume/Lucas.

Il s’en suit diverses collaborations ponctuelles avec Stephanie Mills, Teddy Pendergrass, The Spinners et Phillys Hyman.


Never Knew Love Like This Before, Stephanie Mills, 1980, composé par Mtume/Lucas


En parallèle, James Mtume et Reggie Lucas signent un contrat pour plusieurs albums avec Epic Records, la maison de disque qui héberge Michael Jackson et Quincy Jones à la même période.

En s’associant avec la chanteuse Tawatha Agee, ils fondent le groupe Mtume.

Dans une volonté farouche de créer leur propre identité musicale sans influence extérieure, Mtume introduit le concept de « sophistifunk », une funk aux harmonies douces et joyeuses.


Leurs deux premiers albums parus chez Epic Records, Kiss The World Goodbye (1978) et In Search of The Rainbow Seekers (1980) sont des succès mineurs dans les Charts R&B. Cela, à tel point que James Mtume doute…avant de tout envoyer balader.

« J’avais l’impression de composer des morceaux qui ressemblaient à ceux que j’avais déjà fait. Je me suis levé et je suis parti. Je pensais que j’en avais fini avec le groupe et j’ai décidé de ne plus composer. »


Une année passe, durant laquelle il met la musique de coté. Pourtant, le retour de James Mtume aux affaires sera fracassant.

Sans Reggie Lucas mais toujours avec Tawatha Agee au chant, le groupe se reforme pour l’album Juicy Fruit (1983).

Qualifié de « neo-minimaliste » par l’artiste, cet album se présente comme une ode à l’épure. Avec l’utilisation de quatre/cinq instruments seulement, peu d’effets sonores et l’utilisation de drum machines, Juicy Fruit va piocher dans les zones les plus douces du funk.



Juicy Fruit, Mtume, Juicy Fruit, 1983, Epic Records

« C’était quelque chose de complètement nouveau » dit James Mtume en interview.

Sans surprise Epic Records se montre réservé sur l’album et principalement sur la chanson titre Juicy Fruit, initialement prévue pour accompagnée la promo de l’album.

« On peut pas sortir ça, c’est trop lent et les paroles sont trop subversives pour la radio. ». C’est en ces termes que la maison de disque qualifie le morceau.

Suite à l’insistance de James Mtume : « aucun d’entre vous n’achète d’albums et ne connait les goûts du public. », Epic Records fini par sortir le single en tirage limité simplement pour tester le marché.

Il s’arrache en quelques jours, Epic croule sous les appels de programmateurs radios et de revendeurs pour obtenir le précieux sésame.

Le public a parlé et installe Juicy Fruit en tête des Billboards R&B charts.

Le titre entre dans l’histoire et Mtume capte enfin la lumière et l’attention de tous.


The Notorious B.I.G. samplera Juicy Fruit dix ans plus tard pour les besoins de son titre Juicy devenu un classique du rap américain, notamment pour son introduction connue de tous les amateurs du genre : « It was all a dream, I used to read Word-Up ! magazine ».

L’occasion de remettre Mtume et son titre devenu indissociable de son oeuvre sur le devant de la scène.


Il faut dire en effet qu’entre temps le groupe n’a jamais réussi à réédité le succès de l’album et du titre Juicy Fruit.

You, Me and He, l’EP suivant obtient un beau succès public en 1984, fort de l’onde de choc provoquée par la notoriété nouvelle du groupe. Avant un ultime album en 1986, drainant pour sa part un contenu socio-politique fort au détriment de juteuses perspectives commerciales.



You, Me And He, Mtume, You, Me And He, 1984, Epic Records


Encore récemment avant son décès, James Mtume avait tout à fait conscience que la postérité de sa musique était majoritairement liée aux samples des titres de son groupe dans les morceaux de rap des années 1990 et 2000.


S’il garde de la reprise de Juicy Fruit par The Notorious B.I.G un souvenir agréable : « Oh, j’ai aimé ! Il voulait même que j’apparaisse dans le clip, mais j’ai refusé, je lui ai dit « c’est ta génération, fait ce que tu as à faire. » », il se montre plus sévère sur l’utilisation faite d’autres samples issus de sa discographie, parfois sans même être crédité.

Son plus grand regret à cet égard reste que ses samples ne soient que trop peu utilisés pour des morceaux aux contenus socialement impactants.


Ce féru d’histoire africaine, particulièrement apprécié par Miles Davis pour ses nombreuses connaissances à ce sujet, décédé le 9 janvier quelques jours après avoir fêté ses 76 ans, reste un modèle d’artiste socialement conscient qui a tenté tout au long de sa carrière, et cela même au firmament de sa popularité, de prôner un message de fierté noire et d’appel à la revendication de sa culture et de ses racines.


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