Précédé d’une excellente réputation et multi-primé au Festival de Sundance, Summer of Soul (… or, when the révolution could not be televised) est enfin disponible en France via le plateforme Disney +.
Soul Music Legacy a pu découvrir ce premier documentaire du batteur du groupe The Roots, Ahmir « Questlove » Thompson. Réaction…
© Mass Distraction Media
Eté 1969, tandis que le festival de Woodstock accapare l’attention des médias et de la grande majorité de l’opinion publique, à une centaine de kilomètres de là, à Harlem en plein coeur de New-York City, a lieu le Harlem Cultural Festival.
Organisé par Tony Lawrence, figure locale autodidacte, avec l’appui de la municipalité de New-York, l’événement a lieu durant six dimanches consécutifs au Mount Morris Park.
Réunissant plus de 300 000 personnes, le festival voit se succéder sur scène quelques-unes des figures les plus emblématiques de la culture populaire noire américaine.
Stevie Wonder, Nina Simone, Gladys Knight & The Pips, The Staple Singers, Mahalia Jackson mais aussi le révérend Jesse Jackson, parmi tant d’autres, répondent à l’appel.
Une richesse culturelle noire
Trois ans avant Wattstax, l’événement s’annonce historique. Le Harlem Cultural Festival est l’occasion pour une large foule majoritairement noire de se réunir dans un cadre autre que les manifestations pour les droits civiques.
Conscients de la portée unique de cet événement, les organisateurs engagent une équipe pour filmer l’intégralité du festival.
C’est près de 40h de rushs qui sont enregistrés puis proposés à différents diffuseurs.
Mais en cette fin des années 1960, les grands diffuseurs nationaux, blancs pour l’immense majorité, ne montrent pas un grand intérêt vis-à-vis d’un événement organisé pour la communauté noire.
Pendant cinquante ans, ces rushs sont stockés dans des cartons et restent compléments inexploités, avant qu’Ahmir Thompson mette récemment la main dessus.
Le néo réalisateur entreprend alors un travail titanesque pour exhumer ces archives et conserver juste de quoi en tirer un long-métrage documentaire de 2h.
Bien-sûr, il s’évertue avant tout à conserver les passages sur scènes les plus marquants. La prestation électrisante de Sly & The Family Stone et celle habitée de Nina Simone occupent d’ailleurs des places centrales.
Il ne se contente pourtant pas de compiler cela tel un best-of mais accompagne chacune de ces prestations d’interventions face caméra de l’artiste lui-même, d’un proche ou d’un festivalier, filmés en train de visionner pour la première fois, souvent avec émotion, ces images, cinquante ans après leur enregistrement.
Difficile de rester de marbre face au fils d’Hugh Masekela, découvrant la prestation de son père, célèbre trompettiste de jazz sud-africain, au Harlem Cultural Festival.
Ces interviews ont autant de valeur que les images du festival en elles-mêmes car elles permettent d’apporter du contexte à chaque prestation exhumée par le réalisateur.
Témoins comme artistes, tous reviennent sur l’impact qu’à eu cet événement à ce moment précis de leur vie.
Entendre Stevie Wonder, désormais âgé de 71 ans, se remémorer son état d’esprit et ses ambitions au moment du festival, alors qu’il n’a que 19 ans et que quelques tubes au compteur, aide à saisir autant d’un point de vue artistique que politique l’immense influence qui a exercé sur les années 1970 et 1980.
Bande annonce officielle
Plutôt Nina Simone que Neil Armstrong
De politique, il en est bien évidemment question dans Summer of Soul. D’autant que l’événement intervient à un moment de bascule dans l’histoire de la communauté noire américaine.
La lutte pour les droits civiques laissant progressivement place à une revendication de plus en plus nette du Black Power, soit l’affirmation d’une identité noire et une fierté tirée de celle-ci.
Le titre Young, Gifted & Black interprété par Nina Simone et le discours de révérend Jesse Jackson appellent à cette affirmation de ces différences. Un Black Power qui continuera à prendre de l’importance dans le courant des années 1970 avec l’expansion du mouvement Black Panther, d’ailleurs déjà présent dans la foule au moment du festival pour assurer la sécurité.
Cet appel à l'empowerment constituera un élément central de l’autre grand festival de musique noire de la période, Wattstax en 1972.
À cette construction sociale du Black Power, Ahmir Johnson privilégie pourtant la mise en avant du faussé social entre deux Amériques.
Tandis que l’Amérique blanche se fascine pour l’alunissage de Neil Armstrong et son équipage d’Apollo 11 qui intervient durant l’été 1969, l’Amérique noire montre un certain désintérêt pour cet évènement et estime que les milliards de dollars dépensés pour la conquête spatiale auraient été d’une plus grande aide pour la communauté de Harlem.
D’une valeur historique et culturelle indéniable, Summer of Soul (…or when the revolution could not be televised) permet au Harlem Cultural Festival de 1969 de se réapproprier sa mémoire injustement mise de côté et rappeler qu’il y a 50 ans, au coeur d’une période particulièrement troublée pour la communauté noire, une bulle d’utopie a été renouvelée durant six dimanches consécutifs au Mont Morris Park d’Harlem.
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